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TV : dans les secrets des tarifs publicitaires des retransmissions sportives

TV : dans les secrets des tarifs publicitaires des retransmissions sportives
La Coupe du monde de rugby à XV se déroule en France cette année

Après une année 2022 et un premier semestre 2023 compliqués, la télévision mise sur les événements sportifs pour booster les recettes publicitaires. Une affaire au long court pour certains, un pari sur les grands évènements sportifs à venir pour d’autres dans un contexte d’inflation des droits sportifs TV. Alors que les offres commerciales des grands événements à venir comme les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde de rugby ont été dévoilées, comment sont-elles conçues ? Nous avons interrogé plusieurs diffuseurs.

Selon le rapport du Bump, publié par France Pub, l’Irep et Kantar Media, les recettes publicitaires de la télévision ont reculé d’1,5% pour l’année 2022 et de -0,7% au 1er trimestre 2023. La Coupe du monde de football, retransmise par TF1 et BeIN Sports n’a pas permis d’inverser une tendance qui frappe de plein fouet le marché publicitaire et particulièrement du média concurrencé par les plateformes. Au premier trimestre 2023, le marché publicitaire ralenti, notamment en TV. La télévision voit ses recettes régresser de -7,2% vs T1 2022, un retrait marqué également par rapport au T1 2019 à -8,3%. L’espace classique accuse une baisse de -7,2% sur un an. Les volumes publicitaires sont en hausse (+0,9% de spots), portés par la vigueur des chaînes thématiques. Côté diffuseurs, l’arrivée et la disparition soudaine de la chaîne Téléfoot de Mediapro n’a pas faciliter les affaires des diffuseurs. Zoom sur les tarifs publicitaires qui habillent ces évènements fédérateurs, particulièrement en live.

Découpage et passé (re)composé

Habitués des diffusions sportives, BeIN Sport, M6 et TF1, jouent l’expérience. Les régies misent sur le découpage naturel des événements, qui rassemblent surtout sur le live. « Nous découpons la grille selon les coupures naturelles du sport, autour des mi-temps par exemple. Nous sommes une chaîne payante, nous souhaitons donner un large temps de parole à nos consultants et nous limitons nos écrans pubs à 3 min 30 », explique Nathalie Lefaure, responsable marketing de BeIN régie. D’ailleurs, ces temps naturels sont généralement les plus demandés : « pour chaque match, il existe ce que l’on appelle des golden spots. Ce sont des écrans intégrés entre les hymnes et le début du match. Nous en avions d’ailleurs proposé aux enchères pour l’euro 2016 », nous indique Christian Souquiere, directeur du revenu management et des études programmes chez M6 Publicité.

Les tarifs publicitaires sont ainsi calculés sur l’expérience des événements précédents, que ce soit une compétition au long court, récurrente ou exceptionnelle. « Nous faisons nos tarifs en fonction des audiences estimées, nous établissons ensuite un coût-contact et un ticket d’entrée. Les calculs tiennent compte des audiences semestrielles thématiques, les informations de l’antenne, les cibles commerciales et l’indicateur du coût de l’audience », explique Nathalie Lefaure, avant d’être rejointe par Florence Brame, directrice de la régie publicitaire BeIN régie : « nous avons effectivement suffisamment d’historique pour connaître nos audiences et les tarifs applicables. Néanmoins, certains événements sportifs se suivent mais ne se ressemblent pas. « Le coût-contact s’établit selon l’historique des compétitions sportives et l’appétence des annonceurs. Mais il n’y a pas que le coût-contact qui compte ! Les annonceurs souhaitent surtout avoir du reach, un bon environnement de diffusion et un ticket d’entrée cohérent avec leur budget. D’ailleurs, il est compliqué de construire une offre pour la prochaine Coupe du monde en se basant sur les dernières éditions. Les horaires, la date et les enjeux n’étaient pas les mêmes, que celle qui se déroule en France cette année », pondère Emmanuel Guyot, directeur stratégie de la monétisation chez TF1 Pub, avant d’ajouter : « Nous faisons des prévisions d’audience pour chaque écran, nous regardons ensuite les cibles et le positionnement des écrans puis nous fixons un tarif ».

Prévisions, paris et exclusivité

Si chaque tarif est pensé en fonction d’événements passés, le sport regorge de surprises. « Pour les matches de poules et en fonction des affiches et cases de diffusion, nous allons estimer les audiences en nous basant sur les évènements passés, on les retranscrit en GRP, derrière nous fixons un objectif de positionnement en coût GRP brut. Tout part de l’estimation du match (en millions de téléspectateurs), précise Christian Souquiere. Il faut être attentif aux évènements passés et aux tendances niveau audience mais il y a toujours un contexte qu’on ne connaît pas, on souhaite être les plus justes possible »

Les tarifs des matchs de la phase éliminatoire proposent deux hypothèses : « les tarifs sont fixés au départ avec une double tarification selon la présence ou non de l’équipe de France », nous explique Emmanuel Guyot, « et il faut prendre en compte l’incertitude d’un temps de prolongations », ajoute Christian Souquiere, « les écrans de coupures sont plus faciles à fixer. Les écrans d’entrées et de fin de match sont plus difficiles à prévoir. Mais comme pour chaque compétition, il peut y avoir des bonnes et des mauvaises affaires, c’est difficile d’estimer précisément ».

L’inconnu n’est pas la seule contrainte, l’exclusivité côté annonceur est également un aléa que les régies doivent prendre en compte : « il existe des contraintes importantes, la Champions League par exemple est préemptée par l’ayant droit, Wimbledon par Rolex », explique Nathalie Lefaure. Il faut ainsi trouver le créneau juste pour les annonceurs et réussir son pari sur l’équipe gagnant : « concernant les tarifs, notamment ceux de l’équipe de France, ils sont bien entendu plus chers, car l’audience est bien présente. Ainsi, lors de l’établissement des tarifs, nous parions sur l’avenir », indique Nathalie Lefaure.

L’ascension (ou non) de la TV segmentée et le digital

Parallèlement aux offres linéaires, les grilles tarifaires évoluent sur le digital et la TV segmentée. Un exercice qu’apprécient les régies de M6 et TF1, plus généralistes que BeIN Sports. « Nous considérons que notre audience est déjà segmentée », déclare Florence Brame dû aux multiples références sportives diffusées sur la chaîne.

Focus sur la Coupe du monde de rugby en France, l’évènement majeur de 2023. Le groupe TF1 a d’ailleurs conclu un accord de sous-licence avec les groupes France Télévisions et M6, portant sur la diffusion de 28 matchs de la Coupe du monde de rugby.

Pour M6 « la publicité segmentée peut aussi permettre de créer des offres liées à la localisation, notamment dans les départements qui accueillent les matchs. Une manière d’être au plus près de l’événement et de miser sur la ferveur qui l’entoure », s’enthousiasme Christian Souquiere. Ces offres géolocalisation permettent d’attirer des publics locaux, « nous souhaitons en effet attirer les acteurs locaux via la TV segmentée. Nous établissons pour cela un tarif accessible », ajoute Emmanuel Guyot.

D’autres offres prennent ainsi le relai et complètent la réflexion autour des tarifs appliqués : « nous réfléchissons à la complémentarité des offres linéaires et digitales, comme l’adswitching, qui permet de substituer les spots linéaires dans le flux live 6play, sans oublier la complémentarité avec nos autres médias, comme la radio », rebondit Christian Souquiere.

Avec l’arrivée du cookie less, les régies pensent également leurs offres en fonction : « nous arrivons dans l’ère du cookie less, indique Emmanuel Guyot. MYTF1 n’est pas concerné car l’environnement est loggué. Afin d’optimiser la granularité de ciblage proposé aux annonceurs, nous avons noué des accords data pour créer des segments data acheteurs ou intentionnistes, notamment avec Sirdata que l’on active sur la Coupe du monde de rugby pour cibler une audience particulière : les parieurs, ou encore les acheteurs d’équipements sportifs avec Infinity Advertising (data issue des groupes Casino et Intermarché) », conclut-il.

En prévision des évènements sportifs, les régies publicitaires jouent sur tous les terrains, et tentent de tirer au maximum la sève de leurs offres, afin de rendre les compétitions attractives pour tous.

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