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Anthony Ravau (Heroiks) : « Le média doit être vecteur de performance »

Anthony Ravau (Heroiks) : « Le média doit être vecteur de performance »
Anthony Ravau, Président d'Heroiks

Trois ans après le lancement de la marque Heroiks, le groupe d’agences média et digitale entame une nouvelle séquence de son développement autour d’Heroiks, sur le conseil média, Peak ace, sur le digital et Molecule science, sur le programmatique. Le groupe indépendant a adopté une nouvelle signature et vient de lancer une campagne de communication autour du ROI. Fort de 400 collaborateurs, comment le groupe d’agences s’inscrit-il dans un univers très concurrentiel ? Quels sont les vecteurs de développement ? Comment le marché pub, notamment TV et digital, peut-il évoluer en 2023. Anthony Ravau, Président d’Heroiks est l’invité du lundi de 100%Media.

100%Media : Quel bilan faites-vous de ces 3 dernières années après le lancement de la marque Heroiks en 2019, regroupant vos activités, notamment My Media ?

Anthony Ravau : Nous avons lancé Heroiks sur des chapeaux de roue en 2019… et un an plus tard, la crise sanitaire s’est invitée. Comme bon nombre d’entreprises, nous avons dû être réactifs pour gérer les turbulences dans un contexte inédit de coupure brutale des campagnes et d’innovation technologique dans nos métiers. La période a donc été dense, mais ce qui compte, c’est le résultat après le tumulte !
En 3 ans, nous avons transformé un positionnement historique sur les métiers du conseil et de l’achat d’espace en une solution intégrée qui couvre l’ensemble des besoins des annonceurs. Heroiks est devenu la première plateforme indépendante de croissance des marques, avec près de 400 collaborateurs répartis dans 5 villes et 53 millions de marge brute en 2022. Conseil, création, media, performance digitale ou problématiques tech et data : nous avons une offre pertinente et lisible pour les annonceurs, avec la même promesse d’efficacité que depuis notre création en 2005.
Notre groupe est désormais structuré autour de 3 grandes marques : Heroiks pour le conseil média et la création, Peak Ace pour le marketing digital et la performance online, et enfin Molecule Science qui aide les entreprises à résoudre la complexité technologique en exploitant la donnée pour la prise de décision. A noter que nous avons également lancé Heroiks Event, qui conçoit et organise des événements corporate, avec des formats innovants hybrides voire 100% digitaux.

 Une vingtaine de nouveaux clients structurants nous accordent leur confiance chaque année.

Anthony Ravau

100%Media : Que visez-vous pour cette année 2023 ? 

A.R. : Nous regardons vers l’avenir mais nous restons stables sur nos fondamentaux. Notre objectif pour 2023 reste donc de servir nos clients, grandir avec eux, apprendre et s’amuser.Bien sûr, cela n’exclut pas de continuer à se développer : notre taux de croissance annuel est de 13% et notre ambition est de maintenir les deux leviers qui soutiennent cette croissance.
D’une part, il y a notre capacité à gagner de nouveaux clients, avec une vingtaine de nouveaux clients structurants qui nous accordent leur confiance chaque année. D’autre part, il y a notre capacité à fidéliser les marques qui nous font confiance, avec un taux de rétention de plus de 95%, dans un contexte de marché très dynamique en appel d’offres. En termes de développement, nous maintenons donc ce double objectif : remporter les appels d’offres pour lesquels nous avons une réponse pertinente et conserver les annonceurs qui figurent déjà dans notre portefeuille.
Quant aux raisons de ces chiffres, il n’y a pas de mystère ! La première variable est interne : nous nous remettons continuellement en question pour maintenir une offre évolutive et innovante afin qu’elle reste pertinente pour le marché. La deuxième variable est externe : nous identifions les nouvelles opportunités de croissance pour nos clients afin de répondre à leurs besoins et de leur garantir un retour sur investissement lorsqu’ils font appel à nos services.

100%Media : En quoi êtes-vous une agence indépendante ? Comment pouvez-vous innover sur un secteur très concurrentiel ? 

A.R. : Nous sommes indépendants capitalistiquement : nous avons un fonds actionnaire majoritaire qui nous fait une totale confiance et notre particularité sur le marché, c’est que nos directeurs associés sont significativement associés au capital. C’est d’ailleurs pour David Ringrave et moi une réelle fierté, d’avoir permis à nos managers d’accéder au capital de notre groupe.
Au-delà, ce qui est important pour nos clients et nos partenaires, c’est cet esprit entrepreneurial qui est au cœur de notre culture d’entreprise avec des valeurs d’audace et d’innovation, cette agilité et rapidité de décision et d’exécution qui nous différencie des grands groupes internationaux, enfin cette indépendance d’esprit et cette liberté de penser qui sont précieux pour un conseil intègre. 
C’est justement parce que nous sommes sur un secteur concurrentiel que nous n’avons d’autres choix que d’innover. Pour maintenir et développer notre part de marché, nous devons être à la pointe de toutes les nouveautés pour réinventer notre métier et créer une différence au service de nos clients. Or si l’innovation est une nécessité, il s’agit plus d’un état d’esprit que d’une débauche de moyens humains et financiers. L’exemple de la Freebox en est l’illustration : c’est un état d’esprit et une discipline créative. Et ça tombe bien car c’est inscrit dans notre culture et nos valeurs.
Ainsi, depuis 2005, c’est bien l’innovation qui nous distingue ! Par exemple, nous avons été les premiers à proposer une offre totalement intégrée offline et online. Nous avons aussi créé le premier outil de tracking des campagnes TV, qui nous a donné un avantage concurrentiel majeur. Sans oublier le lancement du Search Dependance Index (premier baromètre de mesure de la dépendance à Google) et l’élaboration du GRP-Alpha (qui challenge la mesure de l’attention).
Par ailleurs, nous sommes à la fois les pionniers et les leaders du Direct Response avec un track-record de lancement media inégalé : Zalando, Trivago, Adopteunmec, ManoMano, Vinted, SantéVet…
Et en matière d’innovation, nous réservons encore quelques belles surprises dans les prochaines semaines.

La direction de l’Udecam et son conseil d’administration font un travail remarquable pour notre profession.

 Anthony Ravau

100%Media : Pourquoi n’êtes-vous pas adhérents à l’Udecam alors que celle-ci vient de rénover son organisation ? 

A.R. : À vrai dire, nous sommes adhérents de l’AAMI, depuis sa création en janvier 2006. Il est vrai que nous ne sommes pas adhérents de l’UDECAM mais il ne faut pas se méprendre. La direction de l’association et son conseil d’administration font un travail remarquable pour notre profession ! Néanmoins, s’engager dans ce type de structure demande beaucoup de temps et d’énergie, que ce soit pour en tirer parti ou y contribuer efficacement. Compte tenu de notre croissance de ces dernières années, nous avons simplement préféré consacrer nos ressources en interne.

100%Media : Le métier d’agence média évolue avec des annonceurs sont de plus en plus soucieux des mesures d’efficacité et de ROI. Quelles sont vos réponses ?

A.R. : Tant mieux ! Les annonceurs sont de plus en plus soucieux et exigeants sur l’efficacité des recommandations et des dispositifs média. Avant le marketing direct était presque ringard et il retrouve ses lettres de noblesse avec les mots « efficacité » et « ROI ». « Et il est où le R.O.I. ? » Et également la signature de notre campagne corporate de janvier. Je suis ravi de cette évolution des mentalités car cette promesse et cette exigence dans la conception, la recommandation et le suivi nous animent depuis notre création en 2005. Et nous avons inscrit le ROI dans le cœur de notre marque Heroiks !
Le souci du ROI est prégnant dans toutes nos activités, de la création au média en passant par la data. Mais le premier impératif reste l’exigence de la mesure. Nos data scientists travaillent sur des modèles prédictifs, ce qui nous permet d’envisager tous les outils de ciblage, puis d’analyser les données et les formats créatifs pour maximiser l’impact sans perdre de vue cette efficacité. Le média doit être vecteur de performance, avec pour objectif de construire et accélérer le business. Or pour paraphraser Peter Drucker : on ne peut optimiser que ce qu’on peut mesurer !

Le programmatique reste un canal priorisé par les marques.

Anthony Ravau

100%Media : Le programmatique accuse une baisse importante en 2022. Est-ce conjoncturelle ou une structurelle avec un retour de l’achat au gré à gré ?

A.R. : Il y a un paradoxe entre le réel et le perçu. Du strict point de vue opérationnel, le programmatique reste un canal priorisé par les marques en raison de son efficacité en termes de ciblage, de mesure et d’optimisation en temps réel. Mais dans les campagnes qui sont déployées, nous observons effectivement une nouvelle montée du gré à gré. Et la raison n’a rien de structurelle : on observe actuellement une pénurie de talents autour du trading media, ce qui provoque une inflation des salaires, et tous les employeurs ne sont pas prêts à suivre… À l’autre bout de la chaîne, nous observons une vraie demande de la part des annonceurs pour du programmatique sur l’ensemble des médias, y compris les médias traditionnels (CTV, TVS et DOOH). Concernant Heroiks, nous apportons une double réponse à ce sujet. D’une part, un transfert de compétences et de savoir-faire pour accélérer le virage programmatique auprès des équipes trading TV et affichage. D’autre part, en automatisant la synchronisation des médias grâce à notre propre outil technologique de méta-DSP, qui permet une lecture unifiée du média.

100%Media : Le retail media est l’un des segments les plus dynamiques. Pourquoi et quel est son potentiel ?

A.R. : La publicité cherche à induire un comportement du consommateur qui se résume en trois mots : acheter un produit. Or la technologie permet de toucher un acheteur potentiel au plus près de son acte d’achat. Le retail media est donc très dynamique car une marque peut identifier et toucher son acheteur ou son prospect au bon moment, lorsqu’il se trouve à un clic de son achat. La mesure des résultats démontre à quel point c’est efficace et encore peu utilisé, ce qui offre un potentiel énorme. On constate donc un mouvement très logique : les budgets trade marketing traditionnels basculent vers le retail media et se cumulent avec les budgets e-commerce.

100%Media : Netflix et Disney+ sur le marché publicitaire peuvent-ils bousculer le marché de la vidéo et notamment celui dominé par les acteurs TV ? 

A.R. : Ces plateformes sont aujourd’hui incontournables en termes d’audience… mais pas encore en termes de publicité ! Si on regarde la situation aujourd’hui, la TV traditionnelle garde encore sa puissance immédiate et incontournable, avec une économie largement rentable face à des CPM très élevés sur Netflix. Si on se projette demain ou après-demain, le grand intérêt des plateformes de streaming sera l’utilisation de la data et du ciblage, qui reste impossible en TV linéaire… Le paysage est donc bousculé et encore incertain, avec des inconnues supplémentaires. Par exemple, on constate que le décrochage d’audience concerne essentiellement les ados et les jeunes. La question est donc : reviendront-ils en TV une fois dans la population active ? Impossible de prédire l’avenir, mais quoi qu’il arrive, ces nouveaux médias poussent les acteurs TV à se challenger et à développer la TV segmentée, ce qui reste l’unique possibilité de ciblage en TV. Il y a donc encore beaucoup à faire !

Je pense qu’il n’y a pas besoin d’opposer le CPM et le GRP, au contraire !

Anthony Ravau

100%Media : Le CPM doit-il devenir la référence face au GRP en télévision ?

A.R. : Je pense qu’il n’y a pas besoin d’opposer le CPM et le GRP, au contraire ! Il est plus utile de conserver les deux pour avoir une meilleure lecture et une grille de comparaison efficace. Le GRP est un outil de mesure de performance et de puissance des plans média tandis que le CPM reste une monnaie de négociation et de comparaison entre les plateformes de streaming et les services divers proposés par les GAFAM. Bien sûr, on peut uniquement comparer les CPM mais ça n’a pas grand sens en 2023. En considérant la publicité au sens large, nous sommes exposés à 5 à 10 000 stimuli commerciaux par jour. Nous sommes donc bien entrés dans une guerre de l’attention ! Dès lors, au-delà du stimulus, il s’agit de valoriser à la fois l’attention publicitaire en fonction du média (TV, smartphone ou autre) mais aussi la mémorisation de la marque et du message.

100%Media : La TV segmentée est-elle l’avenir du marché de la TV et peut-elle aller reprendre des parts de marché aux GAFA comme le dit le SNPTV ?

A.R. : La promesse de la TV segmentée est séduisante puisqu’elle combinerait l’attention et la qualité de la TV avec la précision du ciblage du digital et des GAFAM. D’ailleurs, la dernière étude du SNPTV a prouvé l’efficacité de la TV segmentée ! Néanmoins, il reste encore beaucoup de chemin pour améliorer et affiner les performances et les volumes puisque le reach est de tout juste un quart des foyers français avec des CPM data supérieurs à 35€. On peut donc envisager différentes améliorations, comme l’onboarding de la data annonceur, qui permettrait l’activation de leurs propres segments, ou l’intégration de la data retail, qui permettrait encore plus de précision dans le ciblage de l’individu et du timing.

100%Media : La nouvelle mesure cross média et le nouveau Mediamat, qui seront lancés par Médiamétrie en 2024, sont-ils des progrès ?

A.R. : Le chantier engagé est intéressant car il permettra d’avoir une mesure plus complète de l’audience TV en fonction des lieux et des écrans, mais nous ne connaîtrons le résultat que dans un an ! À ce jour, nous ne connaissons pas l’impact réel de ces évolutions de périmètres. Néanmoins, nous anticipons deux effets. Le premier est positif, avec l’ensemble des écrans qui seront mesurés. Le deuxième est négatif, avec une audience ramenée à un bassin de population beaucoup plus large. Ce qui sera véritablement intéressant, c’est de pouvoir faire une comparaison avec les autres médias. Mais même avec cet objectif, il faut attendre de voir ce que ça va donner. N’oublions pas que pour l’instant, les audiences des plateformes restent déclaratives… D’un point de vue méthodologique, on sait ce que c’est rarement très précis. De l’audience moyenne au temps passé en passant par l’attention générée, le véritable enjeu sera de formuler un indicateur commun permettant à la fois la consolidation et la comparaison.

100%Media : TikTok est très attaqué aux Etats-Unis et en Europe ? Ce réseau est-il une chance pour l’écosystème et les marques ou une menace ? 

A.R. : TikTok défraye effectivement la chronique et montre presque deux générations qui se percutent. Chez les plus de 50 ans et les grands dirigeants de ce monde, c’est presque la bête à abattre. Le gouvernement fédéral canadien a banni l’appli des appareils mobiles qu’il fournit à son personnel et le Parlement danois a demandé à ses députés et personnels de la désinstaller. Idem pour la Commission européenne et le Parlement européen et c’est encore plus net aux USA : les parlementaires travaillent sur un projet de loi qui pourrait l’interdire totalement sur le sol américain ! Mais notre dernier baromètre propriétaire “GenZ Pulse” montre tout autre chose du côté de la jeunesse. En effet, non seulement TikTok est déjà dans le top-3 des réseaux utilisés quotidiennement par les 16-24 ans, mais 55% d’entre eux considèrent que c’est la plateforme qui a le plus d’avenir ! Un véritable dilemme pour les marques : TikTok est une catastrophe cognitive et son interprétation très particulière du RGPD pose un vrai cas de conscience… mais d’ici 2030, la génération Z représentera un tiers de la population active et sera le principal moteur des dépenses de consommation ! Et il y a un autre sujet dont on parle moins, alors que c’est une véritable attaque pour toutes les autres plateformes de e-commerce, c’est le lancement du service TikTok Shop. En substance, pendant que vous regardez la vidéo d’un influenceur qui vante les atouts d’un produit, vous pouvez désormais acheter ce dernier en un clic et le recevoir en quelques jours à la maison, avec une commission inférieure à celle d’Amazon ! TikTok est donc peut-être une menace pour les démocraties, qui vont devoir adapter leur cadre législatif, mais c’est une réelle opportunité pour les marques, qui vont devoir s’approprier l’outil… avec tout ce que cela implique.

100%Media : Le métier d’agence peut-il être menacé par l’IA, notamment ChatGPT ? 

A.R. : Il y a quelques semaines, j’ai vu le fils de mon associé, âgé de 15 ans, me faire une démonstration d’une utilisation de ChatGPT pour faire un « développement structuré » sur des œuvres étudiées en classe. Je l’ai moi-même testé pour écrire un discours, ce n’était pas parfait mais j’ai gagné du temps pour le premier jet ! Récemment, nous nous sommes intéressés à une start-up qui optimise les posts Instagram en absorbant toutes les performances et variations graphiques déjà utilisées sur l’appli, avec un résultat impressionnant ! À l’avenir, on peut aussi imaginer un MediaGPT qui va décliner une stratégie média ou un ArtGPT pour concevoir la création publicitaire d’un nouveau parfum… Pour autant, est-ce la fin du créatif et du consultant ? Je ne crois pas. Certes, toute innovation technologique menace les acteurs d’un écosystème s’ils ne s’adaptent pas. Mais quand il y a une menace, il y a une opportunité ! Encore une fois, c’est à nous d’innover et de nous repenser pour apporter de la valeur ajoutée aux annonceurs. Heroiks baigne dans une culture de l’innovation, nous nous adaptons en permanence. C’est notre responsabilité de composer avec cette technologisation galopante du monde en général et de notre métier en particulier. Il ne s’agit même pas de rester à la page, il s’agit d’avoir un coup d’avance ! Avec la multiplication des couches technologiques dans les offres média, les outils, les supports et points de contact, le rôle du consultant capable d’aider à naviguer dans la complexité n’a jamais été aussi important et utile.

Propos recueillis par François Quairel

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